Médias/Presse

Que le spectacle commence !

Un petit quelque chose en plus

Un premier post pour évoquer l’un des deux petits bijoux publiés par Charles Libert, « Où est passé Charly ? » aux éditions Le livre de votre région. ». Ce petit bijou parle du harcèlement scolaire avec toute la sensibilité dont seuls savent faire preuve ceux qui se montrent capables de lire ce qui se passe réellement dans la tête d’un enfant confronté à cette violence sourde que contiennent les groupes quand les jeux de pouvoir qui s’y manifestent ne se donnent pas de limites et ne sont contrôlés par personne.
Je vous en livre deux petits extraits, le premier pour lire la manière dont Charles Libert évoque, par des mots simples, presque des mots d’enfants, ce silence assourdissant caractéristiques des enfants victimes de harcèlement puisque seulement 6.9% d’entre eux en parlent aux adultes qui les entourent :
« Charly ne savait trop comment réagir. S’il en parlait à Madame, il passerait pour un cafeteur un peu lâche ; s’il en parlait à Maman, elle voudrait rencontrer Madame et ferait sûrement pire que bien ; s’il en parlait à d’autres de la classe, ils y trouveraient sans aucun doute prétexte à se moquer de lui. Alors, il ne dit rien. »
Ce silence, cet aveuglement aux mains tendues, c’est celui que je rencontre trop souvent chez ces enfants qui se « libèrent » dans mon bureau de ce qu’ils vivent parce qu’en dépit de la confiance qu’ils manifestent envers les adultes parents, éducateurs ou enseignants qui les entourent et qu’ils devinent bienveillants, ils se défient d’eux parce qu’ils les sentent soucieux de les aider mais désemparés et mal outillés pour agir en connaissance de cause, face à la souffrance qu’ils révèlent. La crainte d’une réaction inadéquate de l’enseignant qui ne ferait, par sa réaction qu’aggraver les choses ou ne conduirait qu’à déplacer l’agressivité sur des territoires qui échappe à son contrôle (l’arrêt de bus, les réseaux sociaux, etc…) et la peur de surcharger émotionnellement un parent désemparé auquel, en confiant son désarroi, il aurait causé de la peine, de la fureur ou de la terreur se conjuguent alors pour inviter à se taire, pour inciter à s’enfoncer plus encore dans un mutisme qui se fait alors complice de la honte…
Ce silence obstiné, cette parole rentrée, Charles Libert l’évoque magnifiquement dans on son livre. Ses mots simples et enchanteurs d’instituteur de terrain évoquent avec la limpidité des hommes de coeur ce que j’essaye d’expliquer avec des concepts qui ne sont jamais que les termes que la raison choisit pour s’expliquer…
Le second extrait, je vous le cite « En cette fin de journée, Charly était fatigué : physiquement et moralement. Lutter contre le harcèlement dont il était victime tout en faisant semblant que tout allait bien était véritablement épuisant » parce il évoque cette délicatesse dont font preuve les élèves harcelés, enfants ou adolescents dans leur exténuante ténacité à tenter de préserver les autres en faisant semblant que tout va bien.
Cet extrait me rappelle tellement le récit que me confiait un petit garçon de onze quand il m’expliquait qu’en réponse à la question que sa maman lui posait systématiquement à la sortie de l’école « Alors, ça s’est bien passé à l’école ? » il répondait pas un automatique « Comme d’hab… » qui, comme il me le disait lui-même présentait le double avantage de lui permettre de ne pas mentir à sa maman tout en préservant sa sérénité de parent terriblement soucieux d’avoir un enfant heureux et exclusivement heureux. Il lui suffisait pour cela de taire la première partie de sa phrase qui disait en réalité : « C’était l’enfer, comme d’hab… » en laissant alors à se maman le soin et la liberté de mettre le « oui, comme d’hab… qu’elle souhaitait si ardemment entendre.
Les enfants harcelés se montrent souvent d’une délicatesse hors norme dans leur volonté de préserver leurs parents du poids de leur souffrance…
C’est pour cela qu’ils se taisent et c’est pour cela qu’il faut de toute urgence instituer au sein de chaque école des lieux qui non seulement libèrent la parole mais surtout la protègent parce que les institutions scolaires seraient suffisamment outillées pour réagir adéquatement à ces situations de souffrance émotionnelle émotionnelle…
C’est pour cela que la lutte contre le harcèlement, je ne cesserai pas de le dire sur tous les tons, de toutes les manières possibles, doit impérativement constituer une priorité absolue et pas seulement une déclaration d’intention décrite en termes trop larges parce que le silence des enfants peut être meurtrier et que la surdité que leur opposent les adultes responsables du fonctionnement des institutions scolaires est, à cet endroit, toujours coupable…
C’est pour tout cela que je goûte avec bonheur les pépites que m’a confié Charles Libert… Elles disent mieux que je ne le ferai jamais comment un instituteur peut vivre comme s’il était dans la tête d’un enfant chaque fois qu’il devine que la pédagogie n’est jamais que « l’art de couver du chaos »
______________________________________________________________________
 
« Il y a des livres qu’on aime, d’autres qu’on adore… Ceux que l’on aime, on les lit et il en reste ce que l’on en retient. Ceux que l’on adore, on les dévore et ce sont eux, qui, alors, prennent un malin plaisir à nous retenir… Pour cela, ils s’incrustent subrepticement dans notre tête et, pendant des heures, mâtinent nos pensées d’une foule de teintes délicates qui leur donnent des couleurs pastels tant ce qui y est décrit l’est en nuance, à coup de phrases qui paraissent presque écrites à la plume pour ne pas donner l’impression d’imposer brutalement une idée impérative en la donnant à penser mais proposer, au contraire, tout doucement d’accompagner une pensée vagabonde en prêtant à réfléchir.
“Je suis prof mais je me soigne”, ce livre de Charles Libert, je l’ai donc dévoré. Je l’ai dégusté avec voracité plus exactement, goûtant ces mots simples, limpides, fluides qui évoquent si joliment, si intelligemment et si subtilement ce qui se passe dans la tête d’un enseignant qui cherche à se montrer lucide sans passer pour un désenchanté et vise à comprendre ce qui se produit dans et autour de l’acte d’apprendre sans jamais prétendre en épuiser la part de magie.
La dichotomie consubstantielle d’un acte d’enseigner qui impose de s’adresser à tous en manifestant sans cesse la préoccupation de chacun et qui suppose de s’adapter le mieux possible au rythme de chaque élève en mettant néanmoins hors-jeu l’idée de redoublement ne prend pas chez Charles Libert la forme d’un double discours mais adopte au contraire celle d’une langue unique, le langage direct d’une intelligence cordiale, celle par laquelle le coeur parle à la raison et s’adresse à elle d’égal en égal pour expliquer, analyser et faire comprendre en s’efforçant de demeurer simple dans l’expression sans jamais verser dans une forme ou l’autre de simplisme réducteur, radical ou exclusif que l’on retrouve trop souvent dans les “théories” de ceux qui confondent “faire de la pédagogie” et “donner des leçons”.
Ce qui rend ce livre si agréable, c’est que chaque mot, chaque phrase, chaque page y transpire la délicatesse éducative. La “délicatesse”, c’est un mot qui colle bien à l’éducation. Il permet mieux que la prescription de bienveillance qui, il faut bien en convenir, ne signifie souvent pas grand chose d’autre qu’une vague déclaration d’intention, d’évoquer un acte pédagogique qui se donne pour exigence d’éviter toute brutalité. Ce n’est assurément pas un luxe dans la période que nous traversons et c’est pour cela que le bonheur de lire un livre intelligent devient un véritable régal dés lors qu’il se double de cette touche de délicatesse qui semble nimber le travail d’un enseignant chaque fois que cette forme de sensibilité dans les relations se manifeste, pour tout ce qui l’élève vit à l’école, à travers une juste appréciation de tout ce qui risque de le choquer ou de le peiner.
Ce livre, il faut donc le lire comme une véritable ode l’intelligence pédagogique et à la délicatesse éducative…
La délicatesse d’un enseignant qui, par un regard, invite la petite Sophie à ne pas en rajouter en racontant ses vacances au ski parce qu’il sait que d’autres – plus de 80% de la classe – n’ont pas la “chance” d’aller deux fois par an en vacance – et qu’il devine même que l’un d’entre eux, le petit Pierre, éprouverait sans doute de la peine à faire un récit de vacances passées entre deux grands parents dans un temps partagé forcément ralenti….
La délicatesse d’un enseignant qui, parce qu’un de ses élève, s’est vu refusé devant lui le vélo qui lui avait été promis s’il avait 90%, s’est dirigé vers son bureau, pour métamorphoser ostensiblement, sous les yeux des parents, le 89.7% disqualifiant le droit au “vélo” en un 90.1% qui donnait l’accès au graal révélant du même coup l’inanité d’une note lue de manière absolue et l’absurdité d’un système de récompense-punition trop rigoureusement lié à un résultat scolaire chiffré.
La délicatesse d’un enseignant qui rêve de transformer sa classe en “classe-papillon” pas seulement parce que le nom est joli mais parce que cela constitue, selon lui, une façon véritablement efficace de repenser la pédagogie et qu’il lui plait d’imaginer la possibilité qui lui serait offerte de rassembler les enfants de différentes classes d’un même cycle quand ils éprouvent des difficultés dans la maitrise d’une même compétence juste pour leur permettre de sortir ensemble d’un cocon protecteur et ainsi mieux oser, parce qu’ils le font ensemble, s’engager dans un apprentissage qui leur pose des difficultés similaires.
La délicatesse d’un enseignant qui envisage chaque évaluation comme l’opportunité de se montrer mieux sensible aux difficultés et aux compétences spécifiques de chaque enfant et qui évite par dessus tout de les considérer comme des examens qui donneraient l’impression de disqualifier de façon autoritaire ou des épreuves qui, comme le terme même le sous-entend, produiraient une forme ou l’autre de souffrance. Ces évaluations-diagnostiques prendraient alors naturellement la forme véritable d’un bilan de compétence qui, sous la forme éventuelle d’une note ou, mieux encore, d’un code couleur, rendrait toujours compte d’une progression et par soucis qu’elle soit bien comprise par chacun, serait systématiquement accompagnée d’une explication orale qui donnerait le temps de rendre compte de façon explicite de l’évolution.
La délicatesse d’un enseignant qui cherche à arrondir les angles et à adoucir les aspérités dans des relations école-famille mieux respectueuses des identités de chacun parce que les parents éviteraient de “donner la leçon” aux enseignants ou, pire, de leur expliquer comment ils doivent la donner et que les enseignants qui ne s’égareraient pas, pour leur part, dans le jugement des pratiques familiales. Ce faisant, il nous livre la recette de la co-éducation qui, en se focalisant sur les conditions d’une éducation la plus harmonieuse possible donnée à l’enfant-élève évite les pièges du co-enseignement, de la co-gestion de l’espace scolaire et de la police des familles.
La délicatesse d’un enseignant soucieux de mieux respecter les bio-rythmes en les organisant autour de l’intérêt de l’enfant et non pas, comme cela est les cas depuis les début de l’obligation scolaire, en les soumettant de diktats économiques… Ré-apprivoiser ce rythme scolaire qui n’a pas été dicté, à la base, comme par les exigences de parents paysans soucieux de faire participer leurs enfants aux travaux des champs, mais par le rythme de la bourgeoisie calquée sur le mode de vie en alternance de la noblesse oisive entre leur hôtel particulier, en ville, à la mauvaise saison et leur château, à la campagne, durant la belle saison.
La délicatesse d’un enseignant qui s’inquiète de la remise à niveau de l’instruction scolaire sans jamais pour autant verser dans la collapsologie pédagogique (celle qui, depuis plus de trois mille ans, que ce soit sur une poterie d’argile découverte à Babylone, ou un peu plus tard par la bouche de Socrate ou d’Hésiode, invite à s’alarmer d’une baisse générale de niveau de façon à mieux nous prédire l’apocalypse intellectuelle de la génération suivante) ne s’inquiète de la baisse de niveau que dans la mesure où il est question de faire concrètement en sorte que chaque enfant se sente prêt à passer dans la classe supérieure.
La délicatesse d’un enseignant qui dresse les plans d’une école inclusive parce qu’il devine qu’elle ne s’improvise pas et ne peut reposer que sur des fondations solides si elle entend véritablement permettre aux enfants différents et aux autres de s’enrichir mutuellement.
Et puis, parce que la délicatesse d’un enseignant n’a rien à voir avec de la naïveté ou de l’angélisme et qu’elle ne doit en aucun cas constituer un frein à son franc-parler, il y a aussi, et c’est le côté un peu jubilatoire du livre, je l’avoue, la délicatesse acérée des petites flèches décochées en direction du politique… Elles le sont toujours avec pertinence mais à chaque fois sans agressivité. Ces flèches décochées çà et là au long du livre, elles sont enduites de la fermeté de ceux qui s’expriment sans détour mais d’une façon toujours adoucie par un émoticon qui signale que l’intention n’est évidemment pas de nuire à qui que ce soit mais de lancer ou de relancer le débat pour faire voyager, également dans le cerveau des décideurs, ces petites pensées vagabondes qui font tant de bien aux idées quand elles se mettent à voyager librement entre elles…
“Je suis prof mais je me soigne”, c’est donc un livre, tout en délicatesse, en nuance et en intelligence sensible qui doit absolument être mis entre les mains de tous les enseignants et de ceux qui entendent réfléchir avec eux et pas à leur place… Ce n’est assurément pas un luxe par les temps qui courent, de se laisser contaminer, par contagion, par la délicatesse de pensée d’un instituteur qui ne doit assurément pas se “soigner” d’être enseignant mais doit impérativement prendre suffisamment soin de lui-même pour pouvoir continuer à se préoccuper si joliment de ceux qui lui sont confiés…
Ce qui est vrai pour lui l’est d’ailleurs, en ces temps incertains, tout autant pour tous ceux, enseignants, éducateurs, puericulteurs ou travailleurs sociaux se sentent engagés dans une profession qui consiste essentiellement à pétrir de la pâte humaine pour former, enseigner ou éduquer ceux qui les entourent et accompagner leur parcours dans le seul but de les rendre plus humains encore… Prendre soin d’eux mêmes pour mieux se préoccuper des autres, c’est comme cela sans doute qu’ils trouveront la voie la plus directe pour se donner les moyens d’exercer au mieux leur métier d’homme…
Je voudrais terminer ce post par un dernier message… un message adressé à l’auteur du livre, un message qui pendra assurément tout son sens pour ceux qui auront eu le bonheur de lire le livre jusqu’à son dernier chapitre :
“Prenez soin de vous Monsieur Libert”… le monde a plus que jamais besoin non seulement d’enseignants mais surtout d’enseignants comme vous, capables de se transformer, pendant tout le temps d’un merveilleux ouvrage, en vénérables professeurs de délicatesse. »

Bruno Humbeeck

Invité de Passions FM pour une émission présentant l’ensemble de mes publications accompagnées d’une playliste de mon choix et d’échanges sur différents sujets au départ de mes écrits.

L’Invité: Charles Libert: livre « Granny »

 

Article dans la revue du Segec

 

Vivacité

Ce mercredi 02 septembre, invité de Sébastien Remacle dans la matinale de Vivacité Brabant Wallon (97.3 FM).

Cliquez sur l’icône !

Tvcom

Ce jeudi 03 septembre, invité de Pierre Thirion suite à l’Actu BW sur Tvcom.

Cliquez sur l’icône !

Interview à Dominicains.tv

 

Née pour être abandonnée ?

Je suis prof…mais je me soigne !

Vlan L’édition locale Waterloo du 28/08/2019

L’écho du Hain n° 320 du 03/10/2019

RCF Liège : émission Curiosité du 24/10/2019

https://rcf.fr/actualite/actualite-locale/je-suis-prof-mais-je-me-soigne

919 vues